La guerre des tarifs douaniers, épisode II : la suite du premier épisode qui affecte les secteurs du commerce et de l’industrie dans la classe d'actifs du crédit
Au fur et à mesure de ce nouvel épisode, certains secteurs d’activité dans les pays affectés risquent d’être davantage touchés. Mike Talaga et James Maxwell, responsables de notre équipe de recherche crédit, et Celia Soares, responsable relations client, nous en expliquent les répercussions sur les investisseurs dans le crédit.

8 minutes de lecture
Principaux points à retenir :
- L’administration Trump utilise les droits de douane non seulement comme des mesures économiques, mais également comme des outils stratégiques de négociation. Les répercussions des droits de douane se font ressentir sur des secteurs tels que l’automobile, la technologie et les matières premières.
- Les entreprises et les investisseurs doivent s’adapter de manière stratégique pour faire face aux incertitudes. Pour les entreprises, il s'agit de revoir leurs tarifs et la gestion de la chaîne d’approvisionnement et de tenir compte des changements manufacturiers.
- Nous pensons que les investisseurs devraient s’appuyer sur une recherche crédit ciblée pour identifier les entreprises présentant une solide santé financière et une stabilité opérationnelle. Il est essentiel de mettre l’accent sur l’adaptabilité et la résilience pour réduire les risques et tirer parti des opportunités dans cet environnement commercial en rapide évolution.
Les droits de douane sont indissociables de l’approche du Président Trump depuis son premier mandat et constituent un aspect important de son arsenal politique. En 2018, il a mis en place divers droits de douane, principalement à l’égard de la Chine et du Mexique, mais l’Union européenne a également été touchée. Ces mesures visaient certaines importations, notamment de l’acier et de l’aluminium à l’échelle mondiale, ainsi que de certains produits en provenance de l’UE, tels que les avions, le vin, le fromage et les olives.
Cependant, ce nouvel épisode est différent surtout en ce qui concerne les mesures prises à l'encontre du Canada. La perspective de droits de douane pourrait servir de catalyseur pour des négociations sur des sujets différents que les marchandises, ce qui est en fin de compte l’objectif de l’administration Trump. Ces négociations pourraient s’étendre à d’autres pays ou régions, notamment la Colombie, le Panama, le Groenland, ainsi que le Mexique et le Canada. Donald Trump a déjà menacé d’imposer des droits de douane sur les biens en provenance de l’UE, sans toutefois les appliquer, et il pourrait porter son attention sur d’autres pays de la région Asie-Pacifique afin de souligner ou de corriger les déficits commerciaux apparents. Jusqu’à présent, le Président des États-Unis a jugé sans importance les prévisions de tarifs douaniers à l'encontre du Royaume-Uni.
Il est difficile d'évaluer la probabilité que les droits de douane deviennent permanents par rapport à l’adoption de diverses autres mesures. L’administration Trump emploie une stratégie unique dans les négociations par le biais des tarifs douaniers, d’où l’importance de comprendre les objectifs réels du Président et de son équipe.
Les implications sectorielles
Voitures
Le secteur automobile est directement touché, en particulier les trois grands équipementiers américains, General Motors, Ford et Stellantis, qui exploitent des sites de production au Mexique et au Canada pour approvisionner les États-Unis. Les fournisseurs de composants sont également dans le collimateur car ils ont des usines qui expédient des composants à l’étranger ou leurs composants sont utilisés dans des véhicules qui sont ensuite expédiés aux États-Unis.
Une première considération est de savoir si cette situation représente une « manœuvre d’ouverture » à la négociation de la part de Donald Trump. Plus particulièrement, il a été annoncé le matin du 3 février que l’imposition de droits de douane sur les marchandises mexicaines serait reportée d’un mois, parallèlement à l’annonce que la Présidente mexicaine avait accepté de déployer 10 000 soldats de la Garde nationale à la frontière américano-mexicaine. Une autre question est de savoir si les constructeurs automobiles tenteront de répercuter les droits de douane sur le consommateur, ce qui pourrait avoir un impact sur la demande, ou s'ils choisiront d’absorber une partie du coût, ce qui affectera leurs marges bénéficiaires.
Nous pensons que les équipementiers vont probablement, au moins à court terme, absorber les coûts supplémentaires, ce qui entraînera une réduction des marges avant d’ajuster leurs stratégies de prix pour leurs clients et leurs fournisseurs. Le rapatriement de la production aux États-Unis n’est pas un processus rapide, en particulier compte tenu de la difficulté de trouver une main-d’œuvre qualifiée. Bien qu’il existe des capacités inutilisées dans plusieurs usines établies aux États-Unis, celles qui produisent des camions et des SUV à marge plus élevée tournent presque à plein régime, ce qui complique tout projet de relocalisation de la production. La réaffectation des installations existantes à de nouvelles chaînes de production nécessiterait également des investissements importants.
Illustration 1 : Pourcentage des ventes des équipementiers aux États-Unis par pays d’assemblage en 2024
Source : Barclays, le 3 février 2025. Les références faites à des titres individuels ne constituent pas une recommandation d'achat, de vente ou de détention d'un titre, d'une stratégie d'investissement ou d'un secteur de marché, et ne doivent pas être considérées comme rentables. Janus Henderson Investors, son conseiller affilié ou ses employés peuvent détenir une position dans les titres mentionnés.
Pour les équipementiers européens, ce sont principalement les constructeurs allemands d'automobiles de grande qualité qui seraient touchés, comme le montre l'Illustration 1. Toutefois, l’effet sur des entreprises comme BMW et Mercedes pourrait être atténué par leur importante présence manufacturière aux États-Unis, en accord avec leur stratégie de production locale pour le marché intérieur. La situation de Volkswagen (VW) est un peu plus compliquée en raison de sa grande usine au Mexique où elle fabrique des véhicules de marque VW, bien que les États-Unis représentent un marché relativement restreint pour ses marques. Ses filiales Porsche et Audi importent toutes les deux leurs véhicules d’Europe vers les États-Unis et seraient donc affectées. Si les droits de douane devaient s’étendre au Royaume-Uni, l’impact le plus important serait probablement ressenti par Jaguar Land Rover et Aston Martin, étant donné que les États-Unis sont un marché clé pour ces deux groupes. Compte tenu du prix des véhicules de grande qualité ou de luxe de ces marques, elles devraient avoir plus de flexibilité pour compenser les droits de douane par des augmentations de prix, aidées par la dépréciation de la livre sterling par rapport au dollar américain.
Indépendamment des fluctuations des devises, les grands équipementiers pourraient encore avoir du mal à répercuter l’ensemble de ces coûts sur un consommateur sous pression. L’inflation des prix des véhicules aux États-Unis a largement dépassé l’indice général des prix à la consommation (IPC), avec des prix en moyenne de près de 30 %1 plus élevés qu’avant la pandémie. L’impact estimé des droits de douane devrait dépasser 3 000 dollars par véhicule en moyenne, ce qui se traduirait par une augmentation des prix d’environ 7 %.2 La plupart des véhicules neufs étant achetés à crédit, leur accessibilité a été encore plus affectée par les taux d’intérêt.
Technologie
En ce qui concerne le secteur technologique, les logiciels devraient être peu touchés par les droits de douane en raison de leur absence de dépendance à la production d’actifs physiques et de la répartition géographique de leur main-d’œuvre. D’autre part, le matériel informatique, qui est souvent fabriqué à l’étranger, s'appuie sur des composants tels que des puces semi-conductrices et des plaquettes. Ces derniers sont principalement produits dans la région Asie-Pacifique, à l’exclusion de la Chine (par exemple, en Thaïlande et en Malaisie), avant d’être expédiés au Mexique pour y être assemblés, profitant ainsi de coûts de main-d’œuvre moins élevés. L’impact des droits de douane récemment annoncés serait donc le plus prononcé lors de la phase d’assemblage. Les grands fabricants servant le marché final comme Dell et HP en ressentiraient probablement les effets plus intensément que leurs fournisseurs.
Énergie et matières premières
L’administration Trump a probablement pris en compte les effets des droits de douane sur l’énergie et les matières premières sur l’économie américaine, comme en témoigne la réduction des droits de douane sur les ressources énergétiques à 10 % par rapport aux 25 % appliqués plus largement au Canada. La situation de l’acier est essentielle car les importations en provenance du Canada et du Mexique (principalement du Canada) représentent environ 35 % du total (Illustration 2), mais 90 % des exportations d’acier des États-Unis sont destinées à ces deux pays3, ce qui apporte une perspective différente sur le déficit commercial. La question cruciale sera la façon dont d’éventuels droits de douane adoptés en représailles pourraient affecter le flux de cette matière première. Les droits de douane sur l’aluminium pourraient poser un plus grand problème à l’économie américaine, étant donné le statut des États-Unis de grand importateur net de cette matière première.
Illustration 2 : Importations américaines par matière première en 2023
Cuivre (en milliers de tonnes) | Aluminium (en milliers de tonnes) | Zinc (en milliers de tonnes) | Acier (en milliers de tonnes) | MGP (en tonnes) | Pétrole brut (en milliers de barils par jour) | |
Importations des États-Unis en 2023 | 1128 | 6140 | 753 | 25100 | 145 | 6500 |
Importations nettes des États-Unis en 2023 | 565 | 4532 | 677 | 15700 | 45 | 2400 |
Importations américaines en % de la demande | 71 % | 114 % | 80 % | 27 % | Sans objet | 39 % |
Importations nettes des États-Unis en % de la demande | 36 % | 82 % | 67 % | 17 % | Sans objet | 15 % |
Part des importations en provenance du Canada | 28 % | 56 % | 47 % | 32 % | 6 % (palladium) | 60 % |
Part des importations en provenance du Mexique | 8 % | 2 % | 15 % | 15 % | Sans objet | 11 % |
Part des importations en provenance de Chine | 0.50% | 4 % | 2 % | 1 % | 0 % | 0 % |
Sources : TradeMap, AIE, Woodmac, Morgan Stanley Research. Part du Mexique et du Canada indiquée sur la base de la part des volumes. MGP = Métaux du groupe platine.
Nouvelle ère, nouvelle feuille de route
En conclusion, « la guerre des tarifs douaniers, épisode II » marque un chapitre complexe de la dynamique du commerce mondial, avec des répercussions considérables dans divers secteurs. La stratégie de l’administration Trump continue d'être adoptée de manière inattendue. Les réponses des pays et des industries affectés, ainsi que la possibilité de mesures de représailles, joueront un rôle essentiel dans la dynamique du commerce et de la croissance mondiale.
Pour les marchés, il est évident que les dislocations des prix présentent à la fois des opportunités de valeur relative et des risques, en particulier pour les entreprises incapables de s’adapter à ce contexte délicat. Il est essentiel pour les investisseurs de s’engager dans des stratégies qui relèvent activement ces défis, avec une approche dynamique de l’allocation entre les régions et les secteurs. À titre d'exemple, les constructeurs automobiles représentent une proportion importante des indices Investment grade et High yield. Nous avons maintenu un positionnement défensif à l’égard de ce secteur, reconnaissant non seulement la menace croissante des guerres commerciales mondiales, mais également les perspectives moroses des volumes de production cette année et les problèmes découlant du déploiement et de l’adoption inégaux des véhicules électriques dans le monde.
Nous sommes convaincus qu’un processus de recherche crédit rigoureux permettant de sélectionner les émetteurs bien positionnés pour surmonter ces difficultés est essentiel pour naviguer efficacement dans ces eaux troubles. Actuellement, nous mettons l’accent sur l’investissement actif dans des sociétés qui affichent de solides bilans, une liquidité élevée et des activités caractérisées par une stabilité constante de leurs flux de trésorerie et/ou un potentiel de croissance.
1 Source : Bureau of Labor Statistics des États-Unis pour l’IPC, prix de transaction moyens de JP Morgan pour les véhicules, au 31 décembre 2024.
2 Source : Janus Henderson, JP Morgan, estimations de Wolfe Research, février 2025.
3 Source : US Department of Commerce, Enforcement and Compliance. Données sur les transactions publiques de S&P Global Inc., dernière mise à jour le 22 janvier 2025, à l’aide de données de novembre 2024.
Bilan : un état financier qui résume l’actif, le passif et les capitaux propres d’une entreprise à un moment donné. Chaque élément donne aux investisseurs une idée de ce que l’entreprise possède et doit, ainsi que du montant investi par les actionnaires. On parle de bilan en raison de l’équation comptable : actif = passif + capital des actionnaires.
Solidité du bilan: La situation financière d’une entreprise. Voir également : bilan.
Indice des prix à la consommation (IPC) : Une mesure qui analyse l’évolution des prix d’un panier de biens et services au fil du temps. Il est utilisé pour estimer l’inflation. L’IPC ou l’inflation globale est le calcul de l’inflation totale au sein d’une économie, qui comprend des éléments tels que l’alimentation et l’énergie, dont les prix ont tendance à être davantage volatils. L’IPC ou l’inflation sous-jacente est une mesure de l’inflation qui exclut les éléments transitoires/volatils tels que l’alimentation et l’énergie.
Équipementier : Un équipementier est une entreprise qui fabrique des pièces ou des équipements pour d’autres entreprises qui vont les vendre sous leur propre marque.
Déficit commercial : Survient lorsqu’un pays importe plus qu’il n’exporte. Le contraire est l'excédent commercial.
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