Perspectives mondiales : IA - Investir avec patience
Les gérants de portefeuilles de valeurs technologiques internationales Alison Porter et Richard Clode se joignent à Matthew Bullock, responsable Construction et Stratégie de portefeuille pour la région EMEA, pour discuter des répercussions des facteurs démographiques et géopolitiques sur l'investissement dans les technologies. Ils expliquent pourquoi il faut faire preuve de patience concernant les opportunités offertes par l'IA.
22 minute d'écoute
Principaux points à retenir :
- Chaque cohorte générationnelle est unique, avec ses propres préférences en termes de durabilité, de consommation de technologiques, de rythme d'adoption et de perception des risques et des opportunités de l'IA.
- Il faut faire preuve de patience lorsque l'on investit dans des technologies émergentes telles que l'IA car elles se développent par phases, en commençant par la mise en place de l'infrastructure, suivie par les plateformes, les applications et les services.
- Une approche active, mondiale et diversifiée de l'investissement dans les technologies est essentielle pour bien mener sa barque dans ce secteur passionnant, en forte croissance et en pleine évolution.
Vous pouvez également regarder un enregistrement vidéo du podcast :
* Paul Redmond est Directeur de la filière Student Experience and Enhancement à l'université de Liverpool et l'un des principaux experts britanniques des évolutions générationnelles et de l'avenir du travail.
Rien ne garantit que les tendances passées se poursuivront ni que les prévisions se réaliseront.
« Bond proxy » : titre/action censé(e) verser un revenu sûr et prévisible avec une faible volatilité, des caractéristiques plus communément associées aux obligations. Les secteurs concernés sont les services aux collectivités, la consommation non-cyclique et les valeurs pharmaceutiques.
Gestion bottom-up : approche d'investissement mettant l'accent sur l'analyse des titres individuels, plutôt que sur des facteurs macroéconomiques ou de marché plus larges, afin d'identifier les meilleures opportunités dans un secteur ou un pays/une région.
Dépenses d'investissement : dépenses consacrées par une entreprise à l'acquisition ou à la modernisation des actifs physiques (bâtiments, machines, équipements, technologies, etc.) afin de pérenniser ou d'améliorer ses opérations et de contribuer à sa croissance future.
Diversification : une façon de répartir le risque en mélangeant différents types d'actifs/classes d'actifs dans un portefeuille, en supposant que ces actifs se comporteront différemment dans un scénario donné. Les actifs faiblement corrélés devraient offrir la plus grande diversification.
IA générative : l’IA générative fait référence à des modèles d’apprentissage profond qui s’entraînent sur de grands volumes de données brutes pour générer de « nouveaux contenus », notamment du texte, des images, de l’audio et de la vidéo.
Cluster GPU : un cluster à base de GPU désigne un réseau d'ordinateurs interconnectés (nœuds) qui, en plus des capacités traditionnelles de l'unité centrale de traitement (CPU - Central Processing Unit), inclut des GPU (Unités de traitement graphique) afin d'améliorer leur puissance de calcul. Les clusters de GPU facilitent l'apprentissage de modèles d'IA complexes en traitant de vastes ensembles de données à des vitesses sans précédent.
Hyperscalers : entreprises qui fournissent des infrastructures pour les services de cloud, de réseau et d'internet à grande échelle. Citons par exemple Google Cloud, Microsoft Azure, Facebook Infrastructure, Alibaba Cloud et Amazon Web Services.
Grandes capitalisations : les grandes capitalisations sont considérées comme des sociétés cotées en bourse bien établies et dont la capitalisation boursière (valeur des actions d'une société) est relativement élevée, généralement supérieure à 10 milliards de dollars.
L'effet de levier : (dans le contexte de cet article) correspond à l'utilisation de la dette pour accroître l'exposition à un actif/marché.
Petites capitalisations : sociétés cotées en bourse moins bien établies et dont la capitalisation boursière est relativement faible. Ces sociétés offrent généralement un potentiel de croissance plus rapide que les grandes capitalisations, mais avec une volatilité accrue.
Volatilité : le taux et l’ampleur selon lesquels le cours d’un portefeuille, d’un titre ou d’un indice évolue à la hausse ou à la baisse. Si le prix fluctue fortement à la hausse et à la baisse, il présente une volatilité élevée. Si le prix évolue plus lentement et dans une moindre mesure, sa volatilité est plus faible. Plus la volatilité est élevée, plus le risque de l'investissement est important.
Portage sur le yen : pratique consistant à emprunter en yens à des taux d'intérêt très bas pour acheter des devises présentant des rendements plus élevés. L'opération consiste à acheter la devise à rendement élevé avec les yens empruntés afin d'acheter des obligations ou des instruments du marché monétaire libellés dans cette devise.
Matthew Bullock : Bonjour et bienvenue dans le dernier enregistrement de la série de podcasts sur les Perspectives mondiales. Je m'appelle Matthew Bullock. Je suis le responsable de la Construction de portefeuille et de la stratégie pour la région EMOA chez Janus Henderson Investors. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir non pas un, mais deux invités. Normalement, il n'y en a qu'un, mais nous avons deux invités exceptionnels aujourd'hui : Richard Clode et Alison Porter, tous deux gérants de portefeuille au sein de l'équipe Technology de Janus Henderson. Nous sommes ravis de vous accueillir tous les deux.
Richard Clode : Merci, Matt.
M. Bullock : Alison, je vais commencer par vous. Il s'agit d'un podcast consacré aux technologies et vous allez nous donner votre perception du secteur technologique. Mais pour commencer, je voudrais aborder la question de la démographie. Si je pose cette question, c'est parce que je sais que Janus Henderson et vous-même avez été très impliqués dans une étude réalisée avec l'Université de Liverpool, qui portait notamment sur l'évolution démographique et ses impacts sur la société. J'ai parcouru cet article pour en faire ressortir quelques points clés. Pardonnez-moi si j'en fais un résumé un peu simpliste. Cette étude aborde, par exemple, la définition des différentes générations en âge de travailler, examine les forces et les faiblesses de chaque génération et leur tolérance à des choses telles que l'IA, puis le degré d'aisance des personnes face à l'adoption de l'IA et tout ce qui en découle. J'ai été très simpliste mais, de votre point de vue, quels sont les principaux éléments à retenir de cette étude ?
Alison Porter : Il y en a un certain nombre. Je pense que cette étude a vraiment défini comment chaque génération est à l'image de ceux qui la composent. Paul Redmond et l'Université de Liverpool ont beaucoup travaillé sur ce sujet. Mais parfois, nous simplifions à l'excès les tendances pour les jeunes ou les personnes plus âgées. En fait, l'étude a vraiment mis en évidence des différences significatives entre les Millennials et la Génération Z et des différences vraiment très significatives entre des générations beaucoup plus anciennes. C'est une chose dont nous parlons depuis longtemps s'agissant de l'adoption du numérique, à savoir que les jeunes ont tendance à en savoir beaucoup plus sur l'intelligence artificielle. Ils sont également moins rétifs à l'adoption de l'intelligence artificielle. En revanche, les générations plus âgées, qui ont tendance à en savoir moins, sont également plus craintives quant à ce que cela pourrait signifier pour elles à l'avenir. On observe également des différences marquées s'agissant de l'attitude à l'égard de la durabilité. En effet, les Millennials sont la génération la plus soucieuse de la durabilité, qui a une incidence réelle sur leur comportement de consommateur (le choix de leur voiture ou de leur logement, par exemple), voire d'investisseur (horizon à plus long terme).
M. Bullock : Très bien. OK. D'un côté, on a donc les Millennials qui s'intéressent à la durabilité et, de l'autre, la Génération Z, qui est plus à l'aise avec l'IA. Richard, je suppose que vous vous situez quelque part à mi-chemin. Vous pouvez répondre à cette question si vous le souhaitez ou passer à autre chose. Mais du point de vue de l'investissement, j'aimerais revenir sur la question de l'IA en particulier, et sur les opportunités et les craintes qui y sont associées. Du point de vue de l'investissement, qu'est-ce que cela signifie ? Lorsque vous pensez à la démographie, cela modifie-t-il votre façon d'investir ? L'attitude à l'égard de l'IA a-t-elle une incidence sur votre façon d'investir ?
R. Clode : Oui, je pense. Je vais revenir sur cette citation attribuée à Warren Buffett sur l'importance d'être patient quand on investit sur le marché actions. En fin de compte, le marché actions récompense ceux qui font preuve de patience. Nous gardons toujours cela à l'esprit lorsque nous envisageons d'investir dans les nouvelles technologies et nous réfléchissons à la manière dont se déroulent les phases de cet investissement dans une nouvelle technologie : vous savez, on commence toujours par l'infrastructure, puis viennent les plateformes et enfin les applications, les logiciels et les services.
C'est ce que l'on a vu avec l'ère de l'internet ces 20 ou 30 dernières années. Aujourd'hui, nous en sommes au tout début du déploiement de l'infrastructure de l'IA. Ces dernières années, tout tournait autour de l'entraînement des algorithmes et de NVIDIA et nous constatons que cette tendance s'élargit. Dans les années à venir, nous allons voir apparaître des produits et des services d'IA générative construits à partir de la base. Reste à savoir qui les adoptera et les utilisera, et quelles seront les entreprises qui en bénéficieront. Mais, ce ne sera pas le cas avant plusieurs années. Or ces derniers mois, nous avons pu observer un peu d'impatience dans les rangs des investisseurs. D'énormes investissements ont été réalisés dans l'IA et les investisseurs veulent en récolter les fruits maintenant. Vous savez, ce n'est pas comme ça que les choses fonctionnent : on commence toujours par investir et les revenus et les bénéfices ne viennent qu'après. Néanmoins, les investisseurs attendent des signes rassurants quant à ce retour sur investissement. Sinon, ils commenceront à envisager la possibilité d'un tarissement des dépenses d'investissement à un moment ou à un autre. Tout le monde a lu ces rapports de Sequoia [Capital] ou de Goldman Sachs sur la rentabilité des investissements. Dans notre équipe, nous trouvons que ce film a un air de déjà-vu. Nous sommes assez patients car nous avons toujours pensé que ce type de logiciels mettrait quelques années à démontrer son intérêt. Je pense que vous l'avez constaté plus récemment, dans certains points de situation effectués par des entreprises. Il y a des éléments probants. Et je pense que c'est ce que nous recherchons, des éléments probants de la part des entreprises. Nous attendons aussi de la part des dirigeants avec lesquelles nous discutons des précisions sur les obstacles à l'adoption, les points faibles de l'expérience client, le positionnement optimal de leur infrastructure de données, etc. Quelle est l'importance des défenseurs de l'IA au sein de l'organisation ou la place des cabinets de conseil pour vous parler des bonnes pratiques à adopter pour vous pousser à aller de l'avant ?
Des entreprises comme Klarna, dont le fondateur a été l'un des premiers à se doter d'un assistant IA alimenté par OpenAI, ont recours à l'IA générative à l'échelle de leur organisation. C'est nettement plus facile à mettre en place dans une entreprise jeune, mais beaucoup moins dans une grande banque ou une entreprise solidement établie avec des dizaines de milliers d'employés. Je pense donc que la patience est de mise lorsque nous réfléchissons à l'investissement, à l'impact réel sur les finances des entreprises.
A. Porter : Puis-je ajouter quelque chose au sujet de la démographie ? L'un des domaines dans lesquels l'IA peut avoir un impact significatif est celui de la santé, en particulier le rythme de développement des médicaments et la capacité à diagnostiquer des maladies de manière plus précoce. Cela va vraiment contribuer à accroître la longévité des individus. Or le vieillissement démographique est une bombe à retardement dans de nombreux pays occidentaux. Et avec la dégradation du ratio entre les actifs et les inactifs, la question des gains de productivité est fondamentale. Il y a donc un double enjeu : l'impact de l'IA sur le secteur de la santé, mais aussi ce que l'IA peut faire pour la productivité. C'est l'un des nombreux domaines dans lesquels, comme le disait Richard à propos de Klarna, il faut faire preuve de patience pour voir ces gains de productivité se concrétiser. L'IA a une incidence sur les deux côtés de l'équation démographique.
M. Bullock : Je comprends l'enthousiasme que suscite l'IA, mais je voudrais revenir sur un point que vous avez mentionné, Richard, à savoir que ces derniers mois, il y a eu une certaine volatilité parce que les attentes étaient probablement trop élevées. Dans quelle mesure les cours reflètent-ils déjà ce potentiel de hausse ? Les cours sont-ils déconnectés des fondamentaux ou bien y a-t-il encore une certaine marge de progression ?
R. Clode : Je pense qu'il y a eu beaucoup de spéculations pendant l'été, une période de l'année où les investisseurs prennent des vacances. Le volume de transactions est donc plus faible et cela a amplifié quelque peu ce qui constitue probablement une sorte de respiration naturelle après la très belle performance [des valeurs technologiques] au premier semestre. Ce fut le cas déjà l'an dernier, avec une différence cette fois-ci : il y avait cet été beaucoup de levier dans le système en général, en partie financé par des carry trades sur le yen. Tout cet argent est allé se placer sur des pans du marché qui se portaient bien, je pense notamment à des domaines ayant un lien avec l'IA. Certaines valeurs des semi-conducteurs d'IA ont enregistré des corrections d'une ampleur qui semble injustifiée au regard des fondamentaux.
Cela a coïncidé avec les publications de résultats de gros clients de NVIDIA, AMD ou Broadcom. Pourtant, ces clients disaient des choses très encourageantes, non seulement sur les investissements actuels dans l'IA, mais aussi sur les investissements prévus l'an prochain. D'un point de vue fondamental, il n'y avait somme toute rien de préoccupant. Et puis, nous avons assisté à cette dislocation. Pour les gérants actifs et expérimentés que nous sommes, ce film a un air de déjà-vu et nous pouvons tirer parti de ces dislocations lorsqu'elles nous semblent exagérées au regard des fondamentaux et ne reflètent pas vraiment la situation actuelle. En fin de compte, les actions sont devenues moins chères.
M. Bullock : La Réserve fédérale américaine vient de réduire ses taux d'intérêt. Quel est l'impact de cette décision, sachant que les valeurs technologiques peuvent être très sensibles aux variations de taux d'intérêt ?
A. Porter : En réalité, la surperformance à long terme des valeurs technologiques est beaucoup moins sensible aux fluctuations de taux d'intérêt que l'on pourrait le penser. D'ailleurs, le secteur a nettement surperformé ces deux dernières années dans un environnement de hausse des taux. Nous verrons que les vagues technologiques que nous observons ont beaucoup plus d'impact que les fluctuations de taux d'intérêt sur le comportement du secteur. En fait, ces vagues technologiques (nous entrons dans la quatrième vague d'investissement) ont beaucoup plus d'impact, aussi bien du point de vue des dépenses d'investissement que du point de vue des taux d'actualisation et de la pérennité à long terme des taux de croissance aux yeux des investisseurs. D'ailleurs, la baisse des taux de la Fed a été précédée par une rotation vers les « bond proxies » (actions assimilables à des obligations) ces trois derniers mois, ce qui est assez curieux car certaines de ces valeurs de la consommation de base, au profil défensif, présentent des primes de valorisation significatives par rapport à certaines valeurs technologiques de grande capitalisation. Prenez par exemple Walmart, qui était nettement plus chère qu'Amazon malgré des marges beaucoup plus faibles et une croissance plus lente. Nous pensons donc que les baisses de taux d'intérêt peuvent donner un coup de fouet à certains pans cycliques (sensibles à la conjoncture) de l'économie mais cet élément structurel de l'investissement dans la quatrième vague et dans l'infrastructure de l'IA ne sera guère affecté par les fluctuations de taux d'intérêt.
M. Bullock : Si l'on s'en tient au thème de l'IA à l'heure actuelle, constatez-vous un certain degré de protectionnisme dans certains pays ? En effet, si l'on considère l'évolution de l'IA, il s'agit d'un outil très puissant, mais qui peut également s'avérer très dangereux. Cela signifie-t-il que l'on assiste à une course à l'armement dans le domaine de l'IA ? Quelles en sont les répercussions plus générales pour la société et pour les investisseurs ?
R. Clode : Oui, absolument. C'est certainement la grande question de notre époque. Pour faire écho à ce que disait Alice au sujet des vagues technologiques, qui sont plus puissantes que les fluctuations de taux d'intérêt, je vais revenir sur les déclarations du directeur de la technologie de Microsoft la semaine dernière lors de la conférence Communacopia +Technology organisée par Goldman Sachs. Il a probablement fait la déclaration la plus marquante de la conférence, à savoir qu'on ne constate pas de baisse de rendement en augmentant la taille et la puissance de ces grands modèles de langage, en leur attribuant plus de puissance de calcul, plus de paramètres et plus de données. De plus, il ne faut pas oublier que cette technologie n'en est qu'à ses balbutiements. Ainsi, les modèles de transformation ont tout simplement supprimé les entraves. Il est possible d'agrandir ces modèles, de les rendre multimodaux, de leur envoyer davantage de données et de puissance de calcul. Et nous commençons tout juste à nous familiariser avec la manière dont ces modèles peuvent être portés à plus grande échelle. En fait, rien ne permet de penser qu'en agrandissant ces modèles, nous n'obtiendrons pas plus de capacités exponentielles ou d'innovation. Nous sommes simplement passés de clusters de 10 000 GPU à des clusters de 100 000 GPU. Aujourd'hui, les gens pensent que nous sommes toujours sur la voie du cluster doté d'un million de GPU. En l'espace de moins de deux ans, nous sommes passés d'une invite textuelle de ChatGPT à Adobe Firefly, capable de convertir du texte en image, à OpenAI Sora, qui est capable de convertir du texte en vidéo. En fin de compte, cela a une incidence énorme sur une bonne partie du travail des cols blancs, ce qui aura des répercussions démographiques, mais aussi des implications considérables en matière de sécurité, de sécurité nationale, de cybersécurité, de productivité et de soins de santé. La situation est donc très différente de celle de la vague Internet. En Chine, cette technologie s'est développée de manière très nationale. Les Chinois ont pu acheter aux États-Unis toutes les puces dont ils avaient besoin pour constituer des champions nationaux et des écosystèmes nationaux. On pouvait investir dans ces entreprises et obtenir de très bons résultats, aussi bons que les actions FAANG. On pouvait aussi investir dans des valeurs similaires en Afrique du Sud, comme Naspers, ou bien Prosus en Europe. Il y avait de nombreuses façons d'y accéder et de profiter de la vague Internet en Chine.
Ce ne sera pas le cas avec la vague IA en raison des restrictions sur les exportations américaines de semi-conducteurs, ce qui signifie qu'aujourd'hui, vous pouvez entraîner un modèle en Chine sur une puce qui est deux fois moins performante que celle sur laquelle Microsoft ou Google s'entraînent. L'année prochaine, ce sera cinq fois ou dix fois. Dans quelques années, ce sera 50 fois. Le fossé va se creuser de manière exponentielle. D'ici quelques années, quelque chose qui prendra une journée d'entraînement chez Microsoft prendra un an à une entreprise chinoise. Cela signifie que la courbe d'innovation de l'IA en Chine sera très différente de celle que nous avons connue à l'ère de l'internet et, du point de vue des opportunités d'investissement, cela changera la donne lorsque nous envisagerons d'investir et d'accéder à cette innovation à l'échelle mondiale. En outre, du point de vue des risques, compte tenu de la nature géopolitique de cet enjeu sur lequel les démocrates et les républicains sont d'accord, quelle que soit l'identité du nouveau locataire de la Maison Blanche, il ne voudra probablement pas que les capacités de la Chine dans le domaine de l'IA progressent à grande vitesse.
M. Bullock : Cela se traduit-il par un plus grand nombre de gagnants et de perdants ? Par exemple, allez-vous obtenir une répartition différente ? Si différents pays et différentes entreprises avancent à des rythmes différents et qu'il s'agit presque d'une courbe de développement exponentielle, est-ce qu'il y aura cette grande différenciation entre les pays et leur capacité à déployer l'IA sous sa forme la plus efficace ?
A. Porter : Vous savez, la technologie a toujours été un secteur qui tire parti des économies d'échelle. C'est ce que nous constatons avec le déploiement de l'infrastructure d'IA sous l'impulsion des géants des services cloud (« hyperscalers »), qui disposent du capital nécessaire pour investir à ce stade précoce. Même au niveau des semi-conducteurs, on observe une concentration d'entreprises dotées de capacités de recherche et développement (R&D) qui profitent du déploiement à grande échelle. Au cours des dix dernières années, nous avons également assisté à de nombreuses opérations de fusion-acquisition dans le secteur des semi-conducteurs. Il est donc tout à fait naturel d'observer cette concentration et cette focalisation sur les gagnants et les perdants. Mais vous savez, en termes de performance relative, seules quatre de ces dix entreprises ont continué à surperformer le secteur technologique. Néanmoins, il serait trop simpliste de dire qu'il suffit d'acheter des petites ou des grandes capitalisations. En réalité, une entreprise valorisée à 1000 milliards de dollars voit sa capitalisation boursière doubler beaucoup plus rapidement que des entreprises valorisées à un milliard ou à 10 milliards de dollars. L'échelle procure donc des avantages mais les leaders d'hier ne sont pas nécessairement les leaders de demain. Cela nous montre qu'il faut vraiment adopter une approche « bottom-up » et sélectionner les titres, réfléchir pour identifier les gagnants et les perdants et comprendre les chaînes d'approvisionnement de toutes ces entreprises. Pour des raisons de sécurité nationale, de sécurité des données, pour contrôler votre chaîne d'approvisionnement, etc. D'ailleurs, la pandémie de COVID a vraiment mis en évidence l'importance de cet enjeu.
R. Clode Nous avons constaté une différence dans la manière dont ces technologies se développent à l'échelle mondiale. À l'époque de la révolution Internet, les entreprises et les pays s'accommodaient assez bien de la domination des entreprises américaines et de la domination des États-Unis dans ce domaine. Avec l'entrée dans l'ère de l'IA, on constate un changement dans cette façon de penser en raison de la démondialisation et des rivalités géopolitiques, ou ne serait-ce qu'en raison de ce à quoi cette technologie peut aboutir à terme. Nous constatons de plus en plus d'investissements souverains dans cette technologie car les États veulent exercer un certain contrôle sur l'utilisation de cette technologie et sur leurs capacités et ne pas dépendre d'un pays aujourd'hui allié qui ne le sera peut-être plus demain. NVIDIA évalue à quelques dizaines de milliards le chiffres d'affaires qu'elle réalise avec des États souverains et des entités souveraines. C'est quelque chose que nous n'observions pas autrefois. Et là encore, cela créera des opportunités pour nous. Nous avons mentionné l'existence de certains risques potentiels si l'on investit dans une entreprise d'IA en Chine. Mais aujourd'hui, il est possible d'investir dans de telles entreprises au Moyen-Orient, à Singapour, en Allemagne ou au Japon. Il y a des risques, mais il y a aussi des opportunités liées à la volonté de certains pays de contrôler l'IA et de favoriser l'émergence de champions nationaux.
M. Bullock : Pour revenir à l'étude menée avec l'Université de Liverpool et ses implications sur l'acceptation ou la réticence à l'égard de l'IA, est-ce que cela change également les domaines dans lesquels vous décelez des opportunités de croissance ? Par exemple, si une population est plus jeune, adopte-t-elle l'IA plus rapidement qu'une population plus âgée ? Cela fait-il également partie de vos réflexions ?
A. Porter : Pas encore, pour faire écho à ce que Richard a dit au sujet de la patience. Lors des premières vagues [technologiques], l'infrastructure a d'abord été mise en place pleinement, puis certaines des applications sont apparues à plus long terme. Pour l'instant, bon nombre des applications [d'IA] sont vraiment axées sur la réduction des coûts plutôt que sur la création de nouvelles opportunités de développement du chiffre d'affaires. On l'a vu avec l'adoption de ChatGPT, qui a atteint plus de 100 millions d'utilisateurs en l'espace de quelques semaines. Cela n'avait jamais été aussi rapide. Nos enfants utilisent tous ChatGPT 4 pour leurs devoirs. Il n'y a pas de réticence. La prolifération de ces technologies est beaucoup plus rapide qu'elle ne l'a été dans le passé.
R. Clode : D'un côté, il y a TikTok ou Reels qui bénéficient de moteurs de recommandation basés sur de grands modèles de langage et qui s'adressent aux plus jeunes. D'un autre côté, pour faire écho à votre remarque sur le fait qu'au Japon, il y aura très bientôt un actif pour un inactif, il faudra que les anciens adoptent l'IA pour les gains de productivité et les robots pour prendre soin d'eux et résoudre ainsi le problème du vieillissement démographique.
M. Bullock : Nous n'avons presque plus de temps, mais je voudrais vous poser une autre question à tous les deux. Et oui, nous avons beaucoup parlé de l'IA, mais je voudrais aussi évoquer le secteur technologique dans son ensemble et ses segments les moins prisés. Y a-t-il des domaines technologiques dont les gens ne parlent pas, qui ne font pas les gros titres en ce moment mais auxquels vous pensez ou dans lesquels vous décelez des opportunités que d'autres ne voient pas ?
R. Clode : Je pense qu'il y a plusieurs façons de voir les choses. Je peux en parler. Alison pourrait en parler aussi. Commençons peut-être par les aspects géographiques. Cette année, les médias ont beaucoup parlé des 7 Magnifiques et des actions américaines. Je pense que les gens ont oublié qu'en fait, d'autres régions sont performantes. Lorsque les actions chinoises étaient au creux de la vague, cela n'a pas empêché certaines valeurs Internet locales de signer de belles performances. Nous avons pensé les garder dans le portefeuille et en récolter les fruits cette année. Même chose dans d'autres endroits comme l'Amérique latine, où nous avons repéré MercadoLibre, un titre qui s'est bien comporté. Certaines actions des marchés du sud-est asiatique ont également généré des performances non négligeables. Cela nous rappelle qu'il faut rester investi à l'échelle mondiale et dénicher des entreprises dont la croissance des bénéfices est sous-estimée. Vous savez, les endroits les moins prisés sont souvent de bons terrains de chasse. Je pense donc que, d'un point de vue géographique, il y a eu de bons terrains de chasse en dehors des États-Unis cette année et rester investi à l'échelle mondiale a été sans aucun doute un choix payant.
A. Porter : D'un point de vue sectoriel, comme nous l'avons vu lors des deuxième et troisième vagues technologiques pendant l'Internet mobile, les semi-conducteurs et la publicité furent les premiers secteurs à s'être vraiment bien comportés. Dans le cas de la publicité, l'amélioration du ciblage a vraiment été bénéfique dès le début. Pour permettre ce ciblage publicitaire, il fallait beaucoup de semi-conducteurs. Il faut ensuite penser à la connectivité. D'ailleurs, nous décelons certainement des opportunités dans des domaines tels que la mise en réseau, qui a été laissée de côté depuis un an et demi. Nous avons vu ces « hyperscalers » construire leur infrastructure. Nous devons maintenant penser à les connecter, en particulier au niveau des entreprises et pour les consommateurs.
M. Bullock : Très bien. Merci infiniment, Alison et Richard, pour le temps que vous nous avez consacré. Le temps qui nous était imparti est écoulé. Nous remercions notre public de nous avoir écoutés. Bien entendu, si vous avez des questions ou si vous souhaitez en savoir plus sur les opinions ou les stratégies de Janus Henderson, n'hésitez pas à contacter votre chargé de clientèle ou à consulter notre site Internet. Sur ce, je vous souhaite une excellente fin de journée.
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