Quel est l'impact des dernières restrictions imposées par Donald Trump sur NVIDIA et d'autres fabricants de puces ?

NVIDIA a récemment déposé un formulaire 8-K (soumis par les sociétés cotées en bourse pour signaler des changements significatifs dans l'entreprise, tels qu'une modification des états financiers ou des événements importants) après avoir reçu une lettre du gouvernement américain le 9 avril indiquant que ses puces d'IA de moindre puissance H20 destinées au marché chinois seraient désormais soumises à l'obtention d'une licence et que la liste D5 des pays sanctionnés (embargo sur les armes) prendrait effet immédiatement. Bien que ces restrictions ne constituent pas une interdiction en soi, NVIDIA semble présumer que ces demandes de licences seront refusées. C'est pourquoi le groupe passe par pertes et profits 5,5 milliards de dollars de stock de puces H20, étant donné que le seul marché de ces puces moins puissantes est la Chine.

Il s'agit d'une histoire interminable qui a connu de nombreux rebondissements. Le marché est passé de l'acceptation totale d'une interdiction comme résultat probable (certains analystes avaient déjà supprimé les puces H20 des prévisions de bénéfices futurs avant cette annonce), à l'espoir, plus récemment, qu'un supposé dîner à Mar-a-Lago entre Jensen Huang et Donald Trump ait conduit à un sursis. Cet espoir a été alimenté par l'annonce de cette semaine indiquant que NVIDIA s'engageait à construire une infrastructure de superordinateurs d'IA d'une valeur de 500 milliards de dollars aux États-Unis, un tweet ultérieur de Trump semblant également confirmer cette annonce. Parallèlement, NVIDIA aurait développé une version Blackwell plus avancée de la puce H20, ce qui laisse espérer de futures ventes en Chine.

Comme toujours, dans une situation extrêmement incertaine, avec des considérations géopolitiques à multiples facettes, il est complexe d'essayer de prévoir ces rebondissements.

Principales considérations pour les investisseurs :

1 Les nouvelles restrictions sont-elles liées à la règle de diffusion de l'IA ?

Le débat s'oriente désormais sur la règle de diffusion de l'IA qui doit entrer en vigueur le 15 mai. NVIDIA et tous les hyperscalers ont mené une campagne concertée pour inciter Trump à édulcorer ou à mettre un terme à cette réglementation datant de l'administration Biden. Cette règle limite l'exportation des technologies américaines essentielles en matière d'intelligence artificielle afin d'en limiter la diffusion en dehors des États-Unis. L'argument avancé est que cette règle entraverait l'ambition américaine de suprématie mondiale dans le domaine de l'IA et inciterait les concurrents mondiaux à combler le vide.

Sept sénateurs républicains ont adressé cette semaine une lettre en ce sens au secrétaire au Commerce M. Lutnick. Les entreprises américaines s'alignant sur le lobbying politique pour obtenir des changements, il y a plus de probabilité que cette règle soit édulcorée.

2 Le débat sur les dépenses d'investissement dans l'IA se poursuit

Un débat plus large a lieu sur la viabilité des massives dépenses d'investissement dans l'IA, même avant que la situation macroéconomique ne se dégrade. Mais la question la plus débattue sur les dépenses d'investissement dans l'IA a été remplacée par celle sur le fait ces dépenses sont désormais presque devenues une valeur-refuge et plus résilientes stratégiquement en cas de ralentissement macroéconomique.

3 Répercussions sur l'offre au sens large

D'autres semi-sanctions imposées par Donald Trump étaient attendues. Sur la base de contrôles de la chaîne d'approvisionnement, NVIDIA n'a pas passé de nouvelles commandes de plaquettes H20 à TSMC (le principal fabricant des puces de NVIDIA) depuis fin 2024. Les commandes déjà passées sont traitées par TSMC et les puces seront vendues à Nvidia au premier semestre 2025 avant d'être mises au rebut, de sorte que l'impact sur TSMC devrait être minime. Ce nouveau décret sur les licences d'exportation n'est pas spécifique à la puce H20 et s'applique à tous les accélérateurs d'IA dotés d'une bande passante H20 et de spécifications d'interconnexion. Il s'applique donc également à d'autres fabricants de puces, comme à la version AMD MI300 vendue en Chine, et potentiellement à des projets sur-mesure tels que l'accord conclu par Broadcom avec ByteDance.

Phase finale de la démondialisation des semi-conducteurs utilisés pour l'IA ?

Il semble que nous nous rapprochions d'un découplage complet entre les États-Unis et la Chine dans le domaine des semi-conducteurs utilisés pour l'IA. Les accélérateurs d'IA en Chine devront désormais être conçus et fabriqués en Chine. Cela reste un défi pour ce pays compte tenu de son expertise plus limitée, de sa capacité de fabrication nationale à 5 nanomètres et moins et de sa capacité de mise en réseau plus faible.

Le vide sera probablement comblé par les puces Ascend de Huawei, l'entreprise ayant de l'expérience dans la conception de puces de processeurs et de réseaux sophistiqués. Toutefois, en matière d'investissement, Huawei n'est pas cotée en bourse et les investissements dans sa chaîne d'approvisionnement peuvent comporter un risque plus élevé et être problématiques.