Le rôle des actifs titrisés américains dans la crise financière mondiale : Partie 2
Dans le deuxième volet d’une série de trois vidéos, notre responsable des produits titrisés américains John Kerschner nous fait découvrir les obligations structurées adossées à des créances (CDO) et les CDO synthétiques, et comment ces instruments ont contribué à la crise financière mondiale.
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Principaux points à retenir :
- Certains investisseurs restent sceptiques à l’égard des actifs titrisés américains par crainte d’une répétition de ce qui s’est produit en 2008. Bien que la titrisation ait joué un rôle significatif dans la crise financière mondiale, l’histoire est plus nuancée.
- La prolifération d’une nouvelle catégorie de titres – les obligations structurées adossées à des créances ou CDO – au début des années 2000, conjuguée à un boom des prêts hypothécaires « subprime » défaillants, a déclenché la crise lorsque les prix des maisons ont commencé à se déprécier à l’échelle nationale pour la première fois depuis la Grande Dépression.
- Au lendemain de la crise financière mondiale, une réglementation plus stricte, une modélisation financière plus précise et plus conservatrice de la part des agences de notation et des normes de souscription plus rigoureuses des prêts hypothécaires ont effectivement mis un terme aux conditions qui pourraient conduire à une nouvelle crise de cette ampleur.
Informations importantes
Les titres obligataires sont soumis aux risques de taux d’intérêt, d’inflation, de crédit et de défaut. Le marché obligataire est volatil. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, le prix des obligations baisse généralement, et vice versa. Le remboursement du capital n’est pas garanti et les prix peuvent baisser si un émetteur n’honore pas ses paiements en temps voulu ou si sa solidité financière se détériore.
Les secteurs de l’immobilier sont cycliques et sensibles à l'évolution des taux d’intérêt, aux conditions économiques (nationales et locales), aux taux de l'impôt foncier et à d’autres facteurs. Les variations de la valeur des biens immobiliers ou les ralentissements économiques peuvent avoir un impact négatif important sur les émetteurs du secteur immobilier.
Les produits titrisés, tels que les titres adossés à des créances hypothécaires ou à des actifs, sont plus sensibles aux variations de taux d'intérêt, présentent un risque d'extension et de remboursement anticipé et sont soumis à des risques de crédit, de valorisation et de liquidité plus importants que les autres titres obligataires.
JHI
JHI
Que sont les CDO et comment ont-ils contribué à la crise financière mondiale ?
John Kerschner : Parlons des CDO, effectivement. Qu’est-ce qu’un CDO ou une obligation structurée adossée à des créances–? Ces produits sont un peu plus complexes. Ils font penser aux CLO. Mais dans le cas d'un CDO, l’idée était d’essayer de créer une nouvelle catégorie de titre à partir des instruments de titrisation qui existaient à l’époque.
En gros, vous pouvez prendre un peu d’ABS [titres adossés à des actifs], un peu de CMBS [titres adossés à des créances hypothécaires commerciales], un peu de RMBS [titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles] et les regrouper dans une structure. Évidemment vous obtenez des flux de trésorerie générés par tous ces titres, puis vous les divisez en différentes notations.
La raison pour laquelle ce produit est attrayant ou pour laquelle il a fonctionné, c’est parce que les modèles des agences de notation reposent sur la diversification dans une large mesure. L’idée était la suivante : si j’achète des ABS, des CMBS et des RMBS, qui sont tous de catégories différentes et diversifiés géographiquement, si une région d'un pays ou une classe d'actifs rencontre des problèmes, les autres n’en auront pas. Ainsi, vous pouvez essentiellement créer un titre qui nécessite moins de ce que nous appelons le rehaussement de crédit, ou support, grâce à ce pool d’actifs très diversifiés. Tout revient au mode de fonctionnement des modèles des agences de notation.
Voilà ce qu’étaient les CDO au départ. Ils sont finalement devenus très exposés aux RMBS et à peu près tous les prêts hypothécaires « subprime ». Donc, si vous y réfléchissez, si vous prenez un produit dont nous avons découvert qu’il valait très peu comme c'était le cas de beaucoup de ces prêts hypothécaires « subprime » et si vous les regroupez, comment est-il possible d'obtenir des titres notés AAA ? C’est ce qui est essentiel à comprendre, n’est-ce pas ? Comment prendre un produit qui semble très risqué grâce auquel vous créez un titre noté AAA ?
Cela s'explique par le fait que les agences de notation n’avaient pas beaucoup de données car les prêts hypothécaires « subprime » n’existaient pas avant l’an 2000. Or tous les modèles d’appréciation des prix des maisons supposaient que le logement ne se déprécierait pas à l’échelle nationale. Pourquoi donc ? Parce qu'une telle baisse ne s’était pas produite depuis la Grande Dépression des années 1930.
Nous avions observé des ralentissements régionaux – dans le nord-est au début des années 1990 et en Californie sur la même période – mais à l’échelle nationale, les prix des maisons n’avait jamais enregistré de progression négative. Donc, à l’époque, si vous regardiez les modèles, vous observiez les pertes auxquelles vous pouvez vous attendre sur ces prêts hypothécaires si l’appréciation du prix des maisons était de 10 %. Puis les pertes prévisionnelles un peu plus élevées si les prix augmentent de 7 %. Et un peu plus pour 3 %. Et un peu plus en cas de stagnation des prix. Or le modèle s’arrêtait là. Personne n’a jamais essayé de prédire ce qui se passerait si la progression du prix des maisons était négative, car cela ne s’était jamais produit. Les gens supposaient simplement que cela n’arriverait jamais. Pourtant, de 2006 à 2008, l'évolution du prix des maisons a été de -32 % à l’échelle nationale.
C’est là le cœur du problème. Les agences de notation n’avaient pas les données nécessaires. Elles ont essentiellement calibré leurs modèles grâce aux données dont elles disposaient, mais jamais en prenant en compte le fait que les maisons se déprécieraient. Tout le monde supposait que le logement allait continuer à s'apprécier, probablement pas au même rythme qu’auparavant, mais tant que sa performance était positive, beaucoup de ces produits d'accès à la propriété et de ces prêts hypothécaires « subprime » ne posaient pas problème. Or lorsque le ciel nous est tombé sur la tête et que les prix des maisons ont commencé à se déprécier, mais de manière très accélérée, tout s’est effondré.
Comment les CDO synthétiques ont-ils aggravé le problème ?
M. Kerschner : Pour en revenir au marché des CDO, il a joué un rôle très important, car il a ajouté un effet de levier au sein du système. Beaucoup de personnes souhaitaient acheter des maisons au début des années 2000. Elles étaient très peu solvables. Elles pourraient s’adresser à des entreprises telles que New Century ou Option One, ces prêteurs hypothécaires dédiés à cette clientèle, et elles pouvaient obtenir un prêt.
Mais en y réfléchissant, il n’y a qu’un nombre limité d’emprunteurs à risque. Ce que je veux dire, c'est qu'il en existe beaucoup, mais en quantité limitée, n’est-ce pas ? Et la demande pour ces titres était très élevée parce que les gestionnaires de fonds ont commencé à commercialiser des CDO. Donc, ils ont acheté quelques centaines de millions de ces prêts hypothécaires « subprime », puis les ont intégré dans une structure, demandé à une agence de notation de les noter et ont émis un CDO qui était adossé à des prêts hypothécaires « subprime ».
Il s'agissant d'une couche d'effet de levier. Mais ils ont ensuite commencé à créer des CDO synthétiques. Qu’est-ce qu’un CDO synthétique ? Un CDO synthétique n'utilise pas d’obligation cash, mais un contrat de swap sur défaut de crédit (CDS). Supposons simplement qu’une obligation cash baptisée obligation 123 soit intégrée à un CDO. Différentes banques pourraient examiner cette obligation et décider de créer un CDS. Donc, dans le cadre de ce contrat, celui qui détient le CDS obtiendra les mêmes flux de trésorerie de ceux de cette obligation cash. Et si l’obligation fait défaut, celui qui a vendu ce contrat de CDS recevra alors un paiement en raison de ce défaut. Vous pouviez donc avoir une obligation et un nombre illimité de CDS. À l’époque, il y avait probablement environ 200 milliards d’obligations cash émises, mais il y avait de nombreuses centaines de milliards de plus de CDO synthétiques.
La création d'un CDO demande beaucoup de temps, d’efforts et de travail. Vous devez passer des mois à acheter toutes ces obligations cash et à les analyser, puis les intégrer à la structure et obtenir une note de la part de l’agence de notation. Dans le cas d'un CDO synthétique, vous pourriez presque le faire du jour au lendemain. Par exemple, si vous aviez une liste de noms d’obligations que vous appréciez, vous pouviez vous adresser à une agence de notation réputée et lui expliquer simplement que vous souhaitiez créer un CDO. J'exagère un peu en disant du jour au lendemain, cela prend littéralement quelques semaines pour émettre un CDO synthétique. Ce processus a abouti à la création d'un produit qui avait un effet de levier inhérent, et qui ajoutait effet de levier sur effet de levier, et vous pouviez en émettre quasiment à l'infini.
Quelles fonctions exerciez-vous jusqu'à la crise financière mondiale ?
M. Kerschner : J’ai commencé ma carrière dans la gestion d'actifs au milieu des années 1990. Après mon diplôme d'école de commerce, j’ai rejoint un très petit gestionnaire de fonds appelé Smith Breeden dont les actifs sous gestion était d'environ 30 milliards de dollars à l’époque. Il s'agissait d'un spécialiste des prêts hypothécaires. J’ai donc travaillé sur des hypothèques d’agences pendant environ cinq ou six ans. Et puis j’ai eu envie d'assumer de nouvelles fonctions, et ils m’ont confié la responsabilité du pôle ABS/RMBS. Mon entreprise n'exerçait aucune activité dans le domaine des ABS et des RMBS et ils m'ont proposé d'essayer d'en monter une.
Ensuite, s'agissant des RMBS, des hypothèques hors agences dont j'ai parlé, leur volume est passé de presque zéro – pas tout à fait zéro, mais presque – en 2000 à 2 700 milliards de dollars en 2008. Ainsi, le pôle ABS/RMBS de cette société est devenu le groupe RMBS hors agences.
J’ai quitté Smith Breeden à la fin 2006, donc pendant près de 7 ans, j’ai été très impliqué dans cette classe d'actifs avant d'intégrer un hedge fund spécialisé dans l'immobilier commercial. Donc, tout au long de la crise financière mondiale, j’ai vécu le stress d’investir dans l’immobilier commercial à l’échelle mondiale. J'ai appris beaucoup de choses, je m'en suis sorti et je suis heureux d’essayer de former mes collaborateurs ici aujourd’hui.
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