Perspectives ESG : des impératifs moraux à l’importance relative financière

Nous pensons que le monde de l’investissement est prêt à s’aligner sur les principes fondamentaux de l’investissement responsable, en mettant l’accent sur l’importance relative financière et les pratiques fondées sur des preuves. Cette évolution est favorisée par la reconnaissance mondiale des liens complexes entre les événements géopolitiques et la politique intérieure, ce qui souligne l’importance d’adhérer aux principes fondamentaux de l’investissement.

La conférence PRI in PERSON, qui s’est tenue à Toronto en octobre 2024 et qui a attiré plus de 2 100 professionnels, a témoigné de ce pivot. Les discussions ont fait apparaître un passage des impératifs moraux aux aspects pratiques, témoignant d’un pragmatisme croissant dans le secteur qui est fortement influencé par les participants américains.

Chez Janus Henderson, ces principes ont toujours été au premier plan de nos activités d’investissement responsable. Nous pensons qu’une approche réfléchie, pratique, axée sur la recherche et tournée vers l’avenir de l’intégration ESG peut non seulement soutenir l’obligation fiduciaire des gestionnaires d’investissement, mais également s’avérer bénéfique pour faire face aux événements géopolitiques. En plus des relations internationales tendues, les investisseurs doivent continuer à gérer les conséquences du changement climatique, la sécurité énergétique et les questions liées à la chaîne d’approvisionnement. Le rôle de la géopolitique dans l’ESG devient de plus en plus important, comme en témoignent les investissements considérables de la Chine dans les énergies propres et le plan de transformation verte du Japon.

Les questions à grande échelle, telles que la décarbonation du réseau électrique, nécessitent une surveillance réglementaire et des mesures législatives incitatives, ce qui souligne la nécessité d’un engagement politique systémique et d’un dialogue spécifique à l’entreprise. Cette approche s’avère essentielle car les investisseurs évaluent les conséquences financières de leurs décisions en 2025 et au-delà.

Les initiatives d’IDE évoluent, mais persistent

Au cours de la dernière décennie, les initiatives d’IDE sont devenues un élément central des discussions stratégiques au sein des entreprises, dans un contexte politique changeant. Et malgré des avis partagés quant à leur efficacité à façonner la culture du lieu de travail et à obtenir des résultats concrets, l’engagement à favoriser des lieux de travail équitables et inclusifs reste inébranlable.

Cela dit, certaines entreprises ont supprimé ou sont en train de repenser leurs programmes d’IDE, en mettant l’accent sur des concepts tels que l’appartenance et l’inclusion et en allant au-delà de la simple représentation en tant qu’indicateur de réussite. Cette transition souligne le fait que l’on attend de plus en plus des initiatives d’IDE qu’elles apportent des avantages quantifiables aux entreprises. Il peut s’agir de l’innovation, de la fidélisation des employés et de la satisfaction des clients. Cependant, le fait de se concentrer uniquement sur des résultats quantifiables peut faire oublier des objectifs culturels plus larges et ne pas s’attaquer aux obstacles systémiques.

Des défis réglementaires et juridiques sont également apparus, notamment en ce qui concerne les pratiques d’embauche fondées sur la race ou le sexe, ce qui a entraîné un examen plus approfondi des stratégies d’IDE. En outre, la définition de l’IDE s’étend au-delà des catégories traditionnelles pour englober la santé mentale, la neurodiversité et le statut socio-économique, et reflète une compréhension plus globale de la diversité.

Les approches de la mise en œuvre évoluent également, avec une tendance à intégrer les responsabilités de l’IDE dans différents services plutôt que de les centraliser dans des fonctions ou des services spécifiques de l’IDE. Cette approche vise à intégrer plus profondément les principes de l’IDE dans le tissu organisationnel afin de les aligner sur les pratiques plus générales en matière de ressources humaines, de gestion et de leadership.

Malgré les défis et les changements, nous pensons que les objectifs fondamentaux de l’IDE – instaurer un environnement équitable où tous les employés peuvent s’épanouir – restent cruciaux pour les entreprises. Ce constat est évident chez Janus Henderson, où l’IDE fait partie de nos valeurs fondamentales et guide notre engagement à souligner l’importance de la diversité de pensée, de l’authenticité et des perspectives inclusives pour nous aider à dépasser les attentes de nos clients.

Agrégation et intégration des données ESG

La prise en compte des risques et des opportunités ESG tout au long du processus d’investissement peut conduire à de meilleurs résultats pour les investisseurs. Cependant, la quantification de ces risques et de ces opportunités a toujours posé des problèmes. Par le passé, les rapports des entreprises sur les questions ESG ont été ponctuels, qualitatifs et/ou non normalisés entre les entreprises.

Heureusement, le vent commence à tourner. Les organismes de normalisation ESG à vocation financière définissent les pratiques exemplaires, à la grande satisfaction des organismes de réglementation du monde entier. Ce soutien réglementaire ouvre la voie à l’accès des investisseurs à une multitude de données ESG provenant des entreprises, bien que l’agrégation de ces données et leur intégration dans le processus de prise de décision en matière d’investissement posent des défis uniques.

Afin d’améliorer la couverture des données pour les portefeuilles, les gestionnaires d’investissement utilisent souvent plusieurs fournisseurs de données ESG tiers ou comblent les lacunes avec des données exclusives. Le fait de disposer d’une taxonomie solide pour structurer ces données permet de réaliser des activités essentielles en aval, notamment un moteur de calcul central et des outils de visualisation des données.

Des pratiques solides en matière de données permettent une approche cohérente et méthodique. Il est impératif que les indicateurs utilisés par les gestionnaires de portefeuille correspondent à ceux qui sont évalués dans l’ensemble de l’entreprise – par exemple, par les équipes de gestion des risques qui évaluent le risque financier, par les services de conformité qui maintiennent des exclusions ou des critères d’investissement contraignants, et par les équipes chargées des rapports aux clients qui élaborent des rapports réglementaires et non réglementaires. Cette approche permet aux gestionnaires d’investissement de prendre position sur des sujets qui font débat au sein du secteur, comme la question de savoir si les positions courtes doivent compenser les positions longues, ou le traitement des liquidités ou des produits dérivés.

Pour soutenir cette approche, nous avons mis au point un outil exclusif de gestion des données ESG appelé « ESG Explore ». Cet outil donne un aperçu approfondi des données tant au niveau du portefeuille qu’au niveau de l’émetteur, avec des modules sur les notations ESG, les indicateurs climatiques, l’implication dans des activités controversées, les données d’engagement exclusives et les indicateurs réglementaires, d’autres améliorations se profilant à l’horizon.

Même si les organismes mondiaux de normalisation continuent à se consolider et que les organismes de réglementation adoptent les meilleures pratiques en matière d’information, les données liées à l’ESG que les gestionnaires d’investissement peuvent s’attendre à recevoir des entreprises devront être traitées et nettoyées. Nous devrons en faire une grande priorité en 2025, afin que nous puissions présenter les données à nos équipes d’investissement et à nos clients d’une manière utile.

L’IA responsable sur le devant de la scène

L’IA progresse de manière remarquable dans toute une série de domaines clés du renseignement, notamment la reconnaissance vocale, la reconnaissance d’images, la compréhension de la lecture, la compréhension du langage et le raisonnement prédictif. Ces progrès, qui atteignent ou dépassent désormais les niveaux de performance humaine, ont donné lieu à une ruée vers l’investissement, avec un montant estimé à 1 000 milliards de dollars américains qui devrait être investi dans l’infrastructure de l’IA au cours des prochaines années.¹

Mais à mesure que les applications d’IA générative sont proposées aux entreprises et aux consommateurs, des craintes se font jour quant à leur utilisation abusive et à leur sécurité. Les erreurs (ou soi-disant hallucinations) dans les modèles d’IA générative, les biais dans les résultats, les inquiétudes concernant le vol de la propriété intellectuelle, l’impact sur l’environnement et même les menaces existentielles posées par l’intelligence artificielle générale font l’objet d’un débat actif.

Compte tenu de ces préoccupations, la réglementation de l’IA se met en place, notamment avec la loi européenne sur l’IA qui est entrée en vigueur le 1^er août 2024, mais aussi avec de nouvelles réglementations et des propositions de réglementations au niveau national et au niveau de chaque État aux États-Unis. Dans le même temps, les pays se livrent concurrence pour attirer les investissements dans l’IA et promouvoir l’innovation – un exercice d’équilibriste délicat.

Du point de vue de l’investissement responsable, l’IA représente un défi important. L’IA n’est pas intrinsèquement bonne ou mauvaise ; elle confère des avantages potentiellement importants à l’humanité, mais elle est également susceptible d’être utilisée à mauvais escient.

Les progrès de l’IA permettent d’espérer une amélioration significative de la santé humaine grâce à de meilleurs outils de diagnostic et de suivi de la santé, à condition que les problèmes de protection de la vie privée soient résolus. Si l’IA a la capacité d’automatiser les tâches répétitives et d’enrichir potentiellement certaines fonctions, elle suscite également des inquiétudes quant au déplacement des emplois. En outre, l’IA pourrait contribuer à relever les défis environnementaux et à réduire les émissions de carbone, bien que ses modes actuels de consommation d’énergie puissent contribuer à l’augmentation des émissions.

Une approche réfléchie de l’IA responsable s’avère nécessaire. Il n’existe pas de cadre simple « prêt à l’emploi » à appliquer, et les modèles de notation unidimensionnels ne parviennent pas à saisir la complexité émergente. Une réglementation efficace s’avère essentielle, mais la gestion responsable et l’engagement des investisseurs sont également cruciaux pour s’assurer que nous saisissons les avantages et limitons les inconvénients de cette technologie révolutionnaire.

Relever les défis pour un avenir meilleur

En 2025, nous prévoyons que le paysage de l’investissement responsable connaîtra une évolution significative vers ses fondamentaux, avec un accent prononcé sur l’importance relative financière, des pratiques fondées sur des preuves et une approche pragmatique de l’intégration ESG. Il s’agit d’un moment charnière où l’intégration de données ESG complètes, l’application responsable de l’IA et l’évolution des initiatives d’IDE deviennent des thèmes centraux dans le comportement des entreprises et, par conséquent, dans les stratégies d’investissement. Ces changements reflètent une reconnaissance plus profonde de la complexité des événements géopolitiques, des avancées technologiques et des dynamiques sociales, ce qui incite les investisseurs à adopter des approches plus nuancées, mieux éclairées et plus éthiques.

À mesure que le secteur progresse, la capacité à faire face à ces changements – en exploitant des pratiques solides en matière de données, en interagissant de manière responsable avec l’IA et en intégrant des principes d’IDE inclusifs – sera essentielle pour obtenir des résultats d’investissement durables. Ce paysage en évolution présente à la fois des défis et des opportunités, soulignant la nécessité pour les investisseurs de rester informés, de s’adapter et de s’engager en faveur de principes d’investissement responsable qui s’alignent sur la création de valeur à long terme.